Retour sur la réorganisation de l’AFA
L’Agence est désormais organisée en 2 sous-directions: acteurs publics et acteurs économiques, versus conseil et contrôle auparavant.
Cette évolution s’explique par le fait que (i) le cadre juridique des types d’acteurs n’est pas tout à fait le même, (ii) cela permet de mieux alimenter les actions de conseil suite aux contrôles, pour chaque secteur et (iii) cela permet à l’AFA une approche plus globale en lançant des contrôles à la fois sur un acteur public et sur des entreprises privées travaillant avec lui.
L’AFA a rappelé préférer un dispositif en cours d’évolution mais vivant et réellement adapté aux risques de l’entreprise plutôt qu’un dispositif cosmétique. Le marqueur pour faire la différence entre les deux reste l’engagement des instances dirigeantes qui doivent incarner cette lutte contre les atteintes à la probité.
Sur l’appui aux acteurs
Mme Ferriol a rappelé tous les supports déjà mis en place et présenté les priorités de l’année:
- fiches pratiques sur l’évaluation des tiers car attentes fortes des acteurs;
- publications plus courtes, plus opérationnelles, notamment sur l’ engagement de l’instance dirigeante;
- travailler sur la manière dont les grands groupes pourraient davantage sensibiliser les petites entreprises avec lesquelles elles travaillent, afin d’embarquer tout l’écosystème dans la démarche.
Retours d’expérience suite aux contrôles
Mme Mallard a rappelé que depuis la création de l’AFA, 165 contrôles avaient été menés, dont 129 contrôles d’initiative (104 contrôles initiaux + 25 contrôles de suite).
Elle a insisté sur l’objectif du dispositif anti-corruption qui doit être de protéger l’entreprise.
Elle a ensuite énuméré un certain nombre d’axes de progrès et de bonnes pratiques constatés à l’occasion des contrôles :
Attendus: Organisation de la fonction compliance
Axes de progrès
- être en capacité de fournir une description du dispositif et de son périmètre en formalisant davantage la répartition des rôles et responsabilités entre la maison mère et ses filiales et en listant par exemple les procédures applicables à la société mère et celles restant à la main des filiales;
- point de vigilance sur le réseau conformité reposant sur des fonctions mal désignées ou auxquelles des missions sont ajoutées au fil du temps, rendant ce réseau assez théorique au final.
Bonne pratique relevée
- faire une photo pour réconcilier l’organisation comptable, juridique et fonctionnelle afin de cartographier les zones non couvertes, en recourant par exemple à l’audit interne pour réaliser ce travail.
Attendus: Engagement de l’instance dirigeante
Bonne pratique relevée
- signature d’une lettre d’engagement ou d’affirmation annuelle des membres du codir pour re-attester de leur engagement continu, avec diffusion auprès de leurs équipes.
Attendus: Cartographie des risques
Axes de progrès
- des plans d’action trop synthétiques, trop peu précis quant aux livrables ;
- il est rare qu’une société mère ait une vision consolidée des risques dans son groupe;
- peu de due diligence en amont de l’acquisition et après l’acquisition ;
- les modèles de cartographie présentés à l’instance dirigeante peuvent être trop synthétiques et manquer l’objectif d’une bonne connaissance des risques de l’entreprise par son instance dirigeante ;
- des scénarios encore trop génériques parfois (exemple : risque « cadeau » et mesure de remédiation « procédure ») ;
- les événements marketing sont peu pris en compte en tant qu’instrument de corruption ;
- les entreprises adoptent le prisme de la corruption passive mais s’interrogent peu sur leur risque de corruption active.
Bonne pratique relevée
- l’AFA constate qu’une approche ascendante dans les entretiens de cartographie est plus efficace qu’une approche descendante.
Attendus: Mesures de gestion des risques
RAPPEL : l’AFA attend du dispositif non seulement qu’il existe, mais également qu’il soit appliqué et qu’il soit efficient.
Axes de progrès
- le Code de conduite n’est encore pas toujours annexé au règlement intérieur, ce qui est regrettable pour l’application du régime disciplinaire ;
- les illustrations figurant dans le code de conduite ne sont pas toujours adaptées aux risques de l’entreprise.
- les formations sont peu pratiques et insuffisamment en lien avec les risques propres à l’entreprise ;
- l’absence d’alerte ou un trop faible nombre d’alertes doit interroger sur la pertinence du dispositif d’alerte et son accessibilité ;
- attention à bien intégrer les alertes remontées dans le dispositif global et la cartographie ;
- l’AFA constate trop peu d’évaluation de tiers sur les clients ;
- contrôle et évaluation du dispositif : faible maturité sur la culture de l’audit. Les contrôles comptables sont trop rares ou en cours d’élaboration au moment où le contrôle est lancé. Il est important de mieux transposer les scénarios de risques en comptes à risque.
Bonnes pratiques relevées
- création par l’entreprise d’un guichet unique : un canal unique pour réaliser toutes ses formalités de conformité ;
- former ses tiers sur l’anti-corruption.
Évolutions à venir sur le plan méthodologique
L’AFA a annoncé vouloir faire évoluer le questionnaire de contrôle dans une perspective de simplification pour rendre les premiers échanges avec l’entreprise contrôlée plus efficaces.
A la suite du contrôle par l’AFA, les courriers d’envoi du rapport définitif comporteront désormais systématiquement une clause de rendez-vous pour faire le point sur la mise en oeuvre par les entreprises concernées de leur plan d’action. La Charte des contrôles sera modifiée en conséquence en 2025.
Perspectives thématiques
Après l’automobile et ses équipementiers ainsi que le BTP, l’AFA a annoncé qu’elle allait se concentrer sur :
- la lutte contre les groupes criminels organisés qui exercent une pression croissante sur le secteur public, en particulier le secteur régalien, mais qui peut également viser les acteurs économiques en ciblant certains collaborateurs afin par exemple d’accéder à certaines informations confidentielles ;
- le risque de corruption privée lié à des ingérences étrangères ;
- une vague de contrôles est à prévoir dans le secteur de la santé, secteur où l’on observe une articulation importante entre secteur public et privé.
… Ce qui ne dispense pas les acteurs des autres secteurs de continuer leurs efforts car ces contrôles sectoriels ne seront pas exclusifs !
En conclusion, l’AFA observe des progrès encore inégaux, y compris dans des secteurs à risque. Elle insiste sur la nécessité pour tous les acteurs de faire le travail, y compris par équité vis-à-vis des entreprises qui se mobilisent pour prévenir la corruption.
La Commission des sanctions pourra d’ailleurs être à nouveau saisie en 2025.
Un grand merci à l’AFA pour ce précieux retour d’expérience. Nul doute que l’ensemble des acteurs vont étudier ces éléments avec beaucoup d’intérêt.
Cécile Amado-Fischgrund, avocate